Qui est encore climato-sceptique ?

Malgré l’acharnement de la planète à témoigner de son désespoir, au moyen d’épisodes climatiques à la fréquence plus soutenue et à la violence moins contenue, quelques irréductibles résistent encore aux théories du Giec. De ce tragique constat jaillit une question : qui est encore climato-sceptique ?

Selon un sondage BVA pour Orange et RTL, au cours de l’été, 21 % des Français déclarent avoir pris conscience des conséquences du réchauffement climatique. Ils s’ajoutent aux 66 % qui avaient déjà intégré ce paramètre, portant l’ensemble à 87 % et diminuant le pourcentage de climato-sceptiques à 13 %. Parmi eux, 10 % considèrent que l’on ne peut attribuer ces événements au changement climatique quand 3 % contestent l’idée même d’un quelconque dérèglement. Pour rappel, le climato-scepticisme consiste en la négation du réchauffement climatique, voire de sa parenté anthropique. Cette dernière ayant été maintes fois attestée par les rapports du Giec, qu’est-ce qui concoure encore à cette insolite et désormais marginale défiance ?

Sceptiques et anti-sceptiques

L’une des explications à ces chiffres délirants, bien qu’ils aient tendance à régresser, réside dans l’absence d'harmonie théorique, au moins pour ce qui concerne la sphère médiatique. Un avis, aussi aberrant soit-il, demeure en capacité de devenir une conviction, voire une idéologie s’il est supporté par une personnalité dite "référente". Et elles sont encore trop nombreuses à disposer, au sein de n’importe quelle chaîne de télévision française, d’un chevalet à leur nom, et à rappliquer sur ladite chaîne au moindre anachronisme météorologique. Les canicules, inondations et autres phénomènes naturels récents auront joué le rôle de community manager pour le Giec et de certificat solide au réchauffement climatique. Si chaque été le feu dévore nos forêts, peut-être nos comportements vont-ils évoluer ? Si l'on sacrifiait un doigt à chaque fois que l'on épluchait une pomme de terre, nous les dégusterions avec leur peau. 

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Malgré tout, certaines voix s’élèvent, estimant que les incendies sont majoritairement produits par l’être humain alors qu’il s’agit là d’une collaboration on ne peut plus aboutie entre la canicule et le briquet, autrement dit une illustration brûlante de la signature de l’homme sur la planète. Lorsqu’elles concernent des sujets sérieux au moins, les convictions des journalistes ou les opinions des politiques mériteraient de se substituer aux rapports du Giec qu’ils ont eux-mêmes remisés à la cave. Malheureusement, il sera toujours un semi-attardé pour ironiser sur la grêle en mai, de sorte à contester la réalité du réchauffement climatique sans se figurer que la grêle en mai participe possiblement d’une forme de dérèglement.

Le scepticisme ne peut plus être l’expression d’une préoccupation matérielle ou d’une confusion morale

A contrario, le discours parfois outrancier de quelques porte-voix des souffrances planétaires, cardiologues attentifs de Dame Nature, se révèle souvent inefficace, l'excès pouvant s'avérer dérisoire. Il ne s’agit donc pas de confronter le climato-scepticisme à une forme de radicalité écologique qui, bien souvent, ne fait que le nourrir, mais de faire entendre qu’un consensus des meilleurs scientifiques de 195 États ne constitue pas qu’une gageure. Le scepticisme ne peut plus être l’expression d’une préoccupation matérielle ou d’une confusion morale.

Faux sceptiques

Les 87 % de Français conscients du réchauffement climatique et convaincus du rôle de l’homme dans son intensification sont-ils, pour autant, prêts à sacrifier des fragments de confort pour inverser ou ralentir la tendance ? Toujours selon l’étude, 36 % d’entre eux jugent déjà faire le maximum, 41 % prétendent vouloir faire plus, 16 % que ce n’est pas de leur ressort et 7 % qu’il n’y a rien à faire. Sur une échelle où le zéro correspondrait au lancer d’une canette d'uranium dans l’océan et le dix au sauvetage d’un bébé phoque au Groenland, l’on peut estimer que les Français se présumant au summum de leur engagement méritent un généreux quatre. Quant à ceux qui déclarent vouloir accentuer leurs efforts, difficile d’évaluer, et leur action passée et l’exigence de leur résolution, bien qu’il ne soit pas ici question de juger l’un ou l’autre. De l’inconsistance de l’exécutif, de l’indécence de certains comportements et du fondamentalisme de l’écologie radicale émerge, au sein de la population, une perplexité bien naturelle. Sans consensus ni message clair, ceux qui ne veulent pas voir continueront de prétendre qu’ils sont aveugles, tous les prétextes étant bons pour retarder l’action écologique et préserver une forme de continuité économique ou d’ordre social.

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La difficulté repose sur le fait que, dans l’inconscient collectif, certaines choses très graves ne sont pas très graves et que certaines choses pas très graves sont très graves. Il est temps pour les retardataires de tous ordres d’enfin changer de logiciel à défaut de quoi l’on va se rappeler de l’été 2022 comme de vacances fraîches. 

Alban Castres