Dire que le nouveau PLU de la Ville de Paris était attendu au tournant est un doux euphémisme. Car au-delà du poids économique qu’elle représente, la capitale, est souvent avant-gardiste sur ces questions.

Adopté en 2006, le premier PLU parisien souhaitait protéger le logement. La cuvée 2023 va bien plus loin et en fait une priorité absolue. Et pour la mairie, lutter contre la crise du logement s’envisage aussi par un rééquilibrage durable de la géographie économique de la capitale.Cela passe par un transfert des surfaces de bureaux du centre et de l’ouest vers l’est parisien. Pour atteindre cet objectif, ce PLU définit un principe central : la mixité, tant d’usage que sociale. Une diversité qui n’est pas simplement encouragée, mais imposée pas une batterie de nouvelles règles. Un changement de paradigme majeur dans l’urbanisme parisien pointe donc à l’horizon.

Car il faut bien l’avouer, ce PLU bioclimatique fait l’effet d’une petite bombe, en particulier sur l’immobilier de bureau. Arrêté et rendu public en juin, le texte se trouve désormais en phase de consultation et devrait passer devant le Conseil de Paris fin 2024. Avec, en cas de validation, une mise en application dès 2025. Les changements envisagés sont profonds et doivent être intégrés dans les stratégies des différents acteurs immobiliers. CBRE, groupe de conseil en immobilier d’entreprise, s’est penché en détail sur les mesures qui vont le plus frapper l’immobilier de bureau parisien.

Des servitudes étendues et renforcées

Pour atteindre ses objectifs, l’équipe d’Anne Hidalgo renforce certains des outils existants et en crée de nouveaux. À commencer par le secteur de protection de l’habitation, élargi, qui couvre à présent 46% de la surface de la capitale. Presque tout l’ouest et le centre de la ville sont dorénavant concernés. Cette zone est soumise à un nouveau type de servitude dit « de mixité fonctionnelle ». Automatique sur les bâtiments neufs, celle-ci s’opère sur l’existant lors de restructurations lourdes, extensions, surélévations ou encore de changement de destination. Elle oblige l’utilisation de 11% de la surface à un usage de logements, le tout sans contrepartie de la part de la mairie. Le reste de Paris devra, quant à elle, respecter les servitudes de mixité sociale, un dispositif existant désormais étendu. Il impose une part minimale de logements sociaux (de 30% à 50% selon le niveau de déficit local) et s’applique aux programmes de logements neufs et anciens de plus de 500 mètres carrés SDP dans les mêmes conditions que la mixité fonctionnelle.

Tout l’ouest et le centre de la ville sont dorénavant concernés

Dernier type de servitude, et pas des moindres : les emplacements réservés au logement, plus connus sous le nom de « pastillage », qui passent de 417 à 947 bâtiments désignés ! Plus contraignant que les deux autres, il permet à la ville d’imposer une part de logements et de logements sociaux (à 87%). Jusqu’ici la ville était très agressive sur son application du pastillage : pour 88% des projets, c’est une proportion de 100% de logements qui avait été imposée. Si le projet ne respecte pas ces demandes, il sera tout simplement refusé. Différence de taille avec les autres servitudes : le propriétaire peut faire jouer son droit de délaissement. Dans ce cas, si la capitale ne décide pas d’acquérir le bien dans les quinze mois, l’emplacement réservé est levé et le maintien à un usage de bureau reste possible.

Un Urbascore qui oblige à faire mieux

Autre mécanisme majeur introduit par ce PLU bioclimatique, l’Urbascore. Derrière ce nom inspiré du fameux Nutri-score des aliments, se cachent une obligation de surperformance particulièrement ambitieuse et une volonté de favoriser les projets les plus à la pointe sur les sujets environnementaux et sociaux. En pratique, cela se traduit par la mise en place de neuf critères de surperformance dans trois catégories : "biodiversité et environnement", "programmation et efficacité" et "mobilités". Pour être accepté, le projet devra a minima faire mieux dans trois d’entre eux. Des voies de sortie devraient être mises en place en cas de non-conformité. Emmanuel Grégoire, premier adjoint en charge de l’urbanisme à la Mairie de Paris déclare ainsi qu’un promoteur pourra "s’engager en parallèle à cofinancer la rénovation thermique d’un bâtiment" s’il ne peut valider les critères de l’Urbascore.

Pas encore là, mais il se fait déjà sentir

Bien que sa mise en place soit prévue au plus tôt à l’horizon 2025, ce nouveau PLU possède déjà un impact réel sur les projets et la valeur des biens. Si des ajustements à la marge sont toujours possibles à l’issue de l’enquête publique, il est peu probable que les mesures phares changent. Sa réalité est d’autant plus prégnante que la mairie peut déjà surseoir à statuer les demandes de certificat d’urbanisme déposées en ce moment. Pas grand intérêt donc à tenter de faire valider dès aujourd’hui un projet qui n’aurait pas été validé par le PLU à venir.

Si nous n’abordons ici que le prisme de l’immobilier de bureau, il faut bien garder à l’esprit que les évolutions évoquées ici ne représentent qu’une fraction des changements apportés par ce PLU bioclimatique qui se profile donc comme une nouvelle ère pour l’univers immobilier parisien.

François Arias

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