La société belge de conseil en agronomie propose aux entreprises de financer la transition des cultivateurs vers l’agriculture régénérative. Une alternative aux crédits carbone pour la filière agroalimentaire.

C'est l’histoire de la rencontre entre deux mondes : la finance et l’agriculture. Chuck de Liedekerke, banquier d’affaires londonien – qui souhaitait "depuis toujours participer à une solution importante pour répondre à un problème majeur" – tombe en 2013 sur une conférence Ted sur l’agriculture régénérative. Avant même la fin, il sait qu’il est appelé à changer de voie. Il croise alors un peu par hasard le chemin d’un agronome, Nicolas Verschuere. Une rencontre qui marque la naissance de Soil Capital il y a maintenant dix ans. Le but de leur entreprise ? Proposer une solution business qui permette à davantage d’agriculteurs de se lancer dans l’agriculture régénérative.

Capter du CO2

Le constat est assez simple et dramatique. Il existe deux manières de cultiver la terre : l’extractive et la régénérative. "Depuis le néolithique, l’être humain cultive la terre de façon extractive. Les grands foyers de l’agriculture mondiale sont tous devenus des déserts, explique Chuck de Liedekerke. Cela ne fait que quelques décennies que l’on a pris conscience que certaines pratiques permettraient de produire tout en régénérant la fertilité des sols." Ces techniques ? Les couverts végétaux, la diversification de la rotation, la réduction du travail des sols ou encore la substitution des engrais chimiques par des engrais organiques. La mise en place de telles mesures a un impact significatif : des terres agricoles qui émettent 1 tonne de CO2 par hectare par an sont capables de devenir stockeuses de CO2, à hauteur en moyenne de 1 hectare.

Quel est le business de Soil Capital ? La société belge réalise des bilans carbone, certifie et paie les exploitants de céréales, betteraves et autres pommes de terre qui se lancent dans la transition ou qui ont encore du chemin à parcourir. Pour les agriculteurs, le complément de revenu est de l’ordre de 10 000 euros par an en moyenne. Ils bénéficient aussi d’une reconnaissance dont beaucoup manquent cruellement aujourd’hui. L’agriculture régénérative leur apporte également des solutions face à la baisse des rendements à l’heure du dérèglement climatique. "Les agriculteurs dégagent de petites marges, ont beaucoup de dettes et ne sont pas autorisés à prendre des risques, explicite Chuck de Liedekerke. Nous sommes là pour leur permettre, justement, de prendre le risque inhérent à leur transition."

Crédits vs certificats carbone 

En face, les entreprises ayant un lien avec l’agroalimentaire, comme Royal Canin, financent les projets et réduisent de fait leurs émissions de CO2. Elles contribuent directement à la décarbonation du secteur puisque 70 % des émissions de l’agroalimentaire proviennent des champs. Soil Capital insiste : sa logique ne rejoint pas celle des crédits carbone qu’elle considère comme des permis de polluer à l'inverse des certificats qu'elle propose. "Un crédit carbone, c’est une entreprise qui soutient un projet qui n’a rien à voir avec ce qu’elle commercialise et qu’elle acquiert pour contrebalancer ses émissions."

Au-delà de ce qui est imposé par la loi, les groupes, même les plus établis, craignent de voir leurs rendements baisser à cause du réchauffement climatique. "McCain a constaté une perte de rendement de pommes de terre en dix ans à cause du stress climatique. L’été dernier, McDo a dû proposer, dans certaines régions du monde, des burgers sans tomates car la récolte n’avait pas été bonne", souligne Chuck de Liedekerke.

Les dirigeants de Soil Capital sont-ils désormais plus des financiers ou des agronomes ? "Je voudrais être surtout le trait d’union entre une industrie alimentaire qui doit changer et des agriculteurs qui sont les seuls à pouvoir mettre en œuvre ce changement", résume Chuck de Liedekerke. Pour le moment, 80 % des 1 300 agriculteurs cultivant les 300 000 hectares accompagnés par l’entreprise sont français. Soil Capital souhaite se développer à l’étranger et étendre son programme à d'autres types d'agriculture.

Olivia Vignaud

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