Partenaire du Sommet de la mesure d'impact, organisé par Impact Tank, qui se tiendra le 18 avril prochain au Conseil économique social et environnemental, 100 Transitions met un coup de projecteur sur certains de ses intervenants phares. Troisième volet de cette série : Isabelle Aprile, Directrice de l’innovation sociétale pour Sodexo Groupe.

Pouvez-vous nous présenter le périmètre de vos fonctions ainsi que le groupe Sodexo ?

Commençons par Sodexo. C’est un groupe familial qui a été créé en 1966 par un entrepreneur visionnaire, lequel lui avait fixé dès le début une double mission : améliorer la qualité de vie des collaborateurs et des consommateurs, mais aussi contribuer au développement économique, social et environnemental des territoires dans lesquels il opérait. C’était assez novateur : on parlait déjà d’environnement à la fin des années 60 ! Aujourd’hui, Sodexo c’est 420 000 collaborateurs répartis dans une quarantaine de pays. En France, nous comptons 30 000 personnes sur 4 000 sites. La société française a la particularité d’être très décentralisée et de délivrer ses services directement chez les clients.

En 2018, nous avons choisi de créer la direction d’innovation sociétale et des nouveaux modèles économiques, dont j’ai pris la tête. Je suis également directrice des affaires publiques de Sodexo France et présidente du Syndicat national de la restauration collective. Pour finir, je dirige également une structure consacrée à l’ESS que nous avons créée : La Passerelle. Toutes ces fonctions créent un ensemble cohérent et permettent de vraiment travailler sur l’impact, de le maximiser.

Comment intégrez-vous la notion d’impact dans vos activités ?

Pour nous, la notion d’impact constitue la colonne vertébrale de l’entreprise, ce qui guide nos activités. Elle est construite autour de trois grands axes : transition écologique, santé par l’alimentation et égalité des chances. C’est ce qui structure tous nos services. Cette démarche est intéressante parce qu’elle permet à tout le monde de s’y retrouver, de voir comment chacun contribue à générer cet impact qui représente un véritable guide pour nous.

Quels outils avez-vous mis en place pour mesurer l’impact ?

Nous avons commencé par créer une cartographie de nos impacts Cette dernière était indispensable, car nous sommes une entreprise très décentralisée. Nous devons prendre en compte des problématiques et des caractéristiques qui changent parfois énormément d’un territoire à l’autre. La mesure elle-même varie selon les objectifs. Quand on parle de transition écologique par exemple, il faut analyser toute la chaîne de valeur. Filières de production, logistique, menus, recettes et façon de délivrer nos services : tout doit être pris en compte pour obtenir une image précise.

Pour la santé par l’alimentation, nous comptabilisons par exemple le nombre de consommateurs que nous avons pu toucher. Évidemment par les repas eux-mêmes, mais aussi par les conseils que nous leur apportons au quotidien. Nous les poussons notamment à végétaliser davantage leurs repas. Et cette influence ne se limite pas au restaurant d’entreprise ou au restaurant scolaire : les conseils en faveur d’une alimentation plus équilibrée par exemple, touchent le reste de la famille une fois ramenées à la maison. Nous sommes ainsi à la fois garants de l’équilibre alimentaire, mais aussi un acteur majeur de la transition écologique, tant sur nos filières d’approvisionnement que dans nos campagnes d’information.

''Quand on parle de transition écologique, il faut analyser toute la chaîne de valeur''

Ces deux premiers axes touchent principalement nos clients, tandis que le troisième – l’égalité des chances – concerne le territoire et le groupe Sodexo en interne. Nous jouons un véritable rôle d’ascenseur social et nous mettons en place des actions très concrètes sur l’employabilité des habitants. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les territoires les moins favorisés, comme les quartiers prioritaires de la ville, dans lesquels nous sommes implantés et dans lequel nous menons des actions de recrutement inclusif pour des personnes plus éloignées de l’emploi.

Vous évoquiez plus tôt un modèle innovant que vous avez mis en place, La Passerelle. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La Passerelle est l’une de nos expériences qui illustrent concrètement nos engagements et nous espérons la reproduire dans d’autres territoires.

La première Passerelle a été créée l’an dernier à Clichy-sous-Bois. C’est un bâtiment que nous avons conçu, construit et qui est entièrement articulé autour des axes d’impact que j’ai évoqués plus tôt dans un territoire défavorisé. Ainsi, pour ce qui est de l’employabilité, nous avons choisi d’y installer une crèche, car dans ce territoire, la garde des enfants représente l’un des premiers freins à l’emploi. Ce tiers-lieu accueille aussi une salle de formation dévolue au programme « Un jeune une solution », qui vise à accompagner et former les 15-30 ans.

Avec ce nouveau modèle, nous avons également développé des parcours d’emploi pour des personnes éloignées de la vie active avec des partenaires locaux et France Travail, programme allant de l’identification des candidats jusqu’à la signature d’un CDI. D’une durée de six semaines, ils ont pour objectif de renforcer les soft skills qui manquent souvent aux candidats à qui nous expliquons les comportements à avoir, les codes de l’entreprise. En proposant des formations courtes et en proposant des métiers en CDI pour des postes d’employés de restauration ou encore de barista, nous travaillons à rendre attractifs des métiers et à proposer des opportunités d’emploi que certains n’auraient pas envisagés. Ainsi, l’objectif est de travailler de concert avec les partenaires du territoire sur toute la chaîne de valeur et de connecter une population souffrant d’un taux de chômage élevé avec des besoins importants de recrutement dans des filières en tension Et ça fonctionne, puisque nous avons embauché plusieurs dizaines de personnes en CDI.

Dans cette Passerelle, le modèle économique repose sur une légumerie, pour laquelle nous travaillons également avec la Croix-Rouge insertion. Nous achetons aux maraîchers locaux des produits agricoles que nous transformons puis vendons à des clients externes, mais aussi internes. Cette production se retrouve ainsi dans les assiettes d’hôpitaux, d’écoles ou d’entreprises.

La Passerelle entre dans sa deuxième année de fonctionnement et nous comptons bien dupliquer ce modèle ailleurs !

Pourquoi soutenez-vous le Sommet de la mesure d’impact et quel message y porterez-vous ?

Pour enrichir notre démarche, nous devons nous confronter à d’autres organisations qui travaillent sur le même sujet, différemment, et je reste convaincue que les alliances entre acteurs publics, privés et associatifs sont la source de solutions pour répondre aux enjeux sociétaux actuels Je suis particulièrement intéressée e par le travail sur la responsabilité territoriale de l’entreprise, c’est un sujet qui résonne profondément avec notre ancrage local et qui de mon point de vue regroupe de nombreuses façons de générer de l’impact.

Le message que j’essayerai de faire passer au Sommet de la mesure d’impact concerne la nécessaire contribution des entreprises aux sociétés dans lesquelles elles vivent. L’entreprise se doit de contribuer à l’intérêt général. Lorsque je suis entrée chez Sodexo il y a plus de trente ans, notre patron Pierre Bellon disait que l’entreprise était une communauté de collaborateurs, de consommateurs, de clients et d’actionnaires. Je pense que l’étape suivante consiste à englober plus de parties prenantes pour décloisonner l’entreprise, afin qu’elle assume son rôle plein et entier dans la société.

Propos recueillis par François Arias.

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