Partenaire du Sommet de la mesure d'impact, organisé par Impact Tank, qui se tiendra le 18 avril prochain au Conseil économique social et environnemental, 100 Transitions met un coup de projecteur sur certains de ses intervenants phares. Quatrième volet de cette série : Élizabeth Tchoungui, directrice exécutive chargée de la RSE chez Orange.

Pouvez-vous nous présenter le périmètre de vos fonctions chez Orange ?

Je suis directrice exécutive chargée de la RSE chez Orange depuis septembre 2020, après un parcours un peu atypique puisque j’ai travaillé pendant 20 ans dans les médias. Un début de carrière marqué par un fort engagement de ma part : j’ai milité sur le terrain de l’égalité hommes/femmes, de l’inclusion des personnes en situation de handicap, sur les questions d’autisme, de diversité dans les médias ou encore d’environnement. En parallèle j’ai aussi été administratrice d’Action contre la faim, alors que les conséquences du changement climatique faisaient exploser le nombre de bénéficiaires. Cette résolution a donc toujours été un fil conducteur dans ma vie et m’a poussée à m’impliquer dans une grande entreprise comme Orange. En l’occurrence, ce choix rejoint la thématique du Sommet de la mesure d’impact, car ces grandes organisations, ces grandes entreprises internationales ont une capacité d’impact significative sur tous ces sujets.

Mes principales missions consistent à définir et déployer la stratégie du groupe en matière de responsabilité sociale et environnementale. Dans le cadre de notre plan Engage 25, nous avons fait le choix de viser un objectif zéro carbone d’ici 2040, avec évidemment des étapes à valider avant cette date. Un autre pilier important de notre programme est l’inclusion numérique. Nous voulons former gratuitement d'ici à 2030 six millions de personnes aux métiers du numérique, répartis dans 26 pays parmi ceux où nous sommes présents. Le but est de développer leurs compétences et donc, par extension, leur employabilité. En tant qu’opérateur, Orange a de ce point de vue un grand rôle à jouer auprès de certaines populations, puisque nous apportons de la connectivité dans des régions reculées, tout particulièrement en Afrique. Cela a un effet massif sur le développement et la croissance de ces pays. Les questions de diversité et d’égalité hommes/femmes au sein du groupe constituent un élément essentiel du nouveau modèle d’entreprise mis en place lors de notre plan stratégique Lead the Future, à travers lequel nous visons 35 % de femmes managers d'ici à 2025.

Dans mon périmètre, je gère également la Cité des Télécoms à Pleumeur-Bodou. C’est une sorte de mini-Cité des sciences et de l’industrie, orientée sur l’histoire des communications à distance et l’éducation numérique des plus jeunes.

Comment intégrez-vous la notion d’impact dans vos activités ?

Pour nous, l’impact est une notion qui s’attaque au quotidien. Nous avons commencé par nous donner une raison d’être et par inscrire la notion d’impact sociétal dans les statuts de l’entreprise dès 2020. Orange est l’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable. Nous voulons créer, à travers nos activités, un numérique plus inclusif et plus respectueux de l’environnement.

En tant qu’entreprise, nous faisons évidemment face à des dilemmes. Notre orientation stratégique par rapport à l’impact carbone constitue un bon exemple, car cela représente un impact environnemental et business énorme. Pour mieux agir, nous avons donc intégré ces critères de décision dans tous nos comités d’investissement. Désormais, les projets sont évalués à l’aune de ces enjeux environnementaux.

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L’impact social et sociétal de nos activités est, lui aussi, notable. Comme je l’évoquais, le déploiement d’infrastructures de télécoms dans des pays en développement ouvre aux populations locales des portes qui leur restaient fermées jusqu’ici, et ce, particulièrement en Afrique. Il s’agit entre autres de l’accès à l’éducation et à la santé, grâce à la télémédecine. En Afrique, nous soutenons surtout l’écosystème des start-up liées à la santé. Le continent est particulièrement dynamique dans ce domaine.

Nous essayons donc de faire en sorte que nos activités aient un impact sociétal maximum pour un impact environnemental minimum. Cela passe par un objectif zéro carbone à l’horizon 2040, mais aussi par une accélération de l’écoconception et un prolongement de la durée de vie des terminaux.

Quels outils de mesure d’impact avez-vous mis en place ?

La mesure d’impact est capitale, parce qu’il peut y avoir des effets d’annonce autour de ces sujets, sans pour autant que les preuves de résultats ne soient immédiatement visibles.

Le volet environnemental est peut-être celui que nous pouvons mesurer le plus facilement. Les normes internationales, ainsi que les agences de notation et les benchmarks, créent un cadre extrêmement strict. On ne peut pas dire « nous atteindrons le net zéro carbone d’ici à 2040 » sans mettre en place des jalons réalistes à surveiller. Dans notre cas, nous visons le net zéro carbone pour 2040, avec une réduction de 45 % de nos émissions d’ici à 2030. Nous sommes bien partis puisque nous avons déjà atteint nos objectifs pour 2025 avec 18 mois d’avance.

Un autre exemple me tient à cœur, celui d’Orange Énergies, un service qui propose des kits solaires en Afrique. Ils sont installés directement dans les foyers et peuvent être reliés au réseau pour revendre le surplus d’électricité. Les clients règlent directement via Orange Money. Les kits intègrent un système de smart monitoring pour calculer tout cela. Ce qui est particulièrement original, c'est que la Banque mondiale à un accès direct à ces données, bien évidemment anonymisées. Cela renforce sa confiance dans un projet qu’elle finance à hauteur de plusieurs millions d’euros, en lui permettant de voir les retombées concrètes de ses financements.

"il existe un véritable enjeu de normalisation"

Sur le volet sociétal, les choses sont en revanche plus complexes, car il existe moins de normes internationales. Les débats au Sommet de la mesure d’impact seront particulièrement intéressants car il existe un véritable enjeu de normalisation. Dans notre cas, nous avons commencé par nous fixer un objectif : celui de former six millions de personnes. Pour évaluer ces actions, nous avons commencé par mesurer le taux d’embauche à la sortie de la formation. Mais s’il était le plus souvent excellent, nous nous sommes rendu compte qu’il ne reflétait pas la diversité des carrières offertes par le numérique, comme devenir freelance. Nous avons alors fait évoluer notre méthodologie pour mesurer le taux de placement six mois après la fin de la formation. C’est plus représentatif et cela nous a permis de constater que 85 % des personnes formées en moyenne avaient trouvé un débouché dans les 22 pays où ce programme est en place.

Sur le volet économique et financier, nous utilisons un autre outil, cette fois-ci à une plus grande échelle : il sert à mesurer notre contribution financière à la sphère publique. Il s’agit de ce que nous payons en licences, impôts et autres taxes dans les pays où nous opérons. Certains pourraient dire que c’est une contrainte, mais c’est une contribution civique à laquelle tous les acteurs du numérique ne se plient malheureusement pas. Nous mesurons aussi notre empreinte socio-économique dans certains pays, avec l’aide de cabinets de conseil comme Goodwill Management. Nous évaluons ainsi notre empreinte économique élargie, c’est-à-dire les emplois directs que génèrent nos activités, mais également ceux qu’elles induisent. Au Sénégal par exemple, l’empreinte élargie d’Orange représente 11 % du PIB !

Vous participerez le 18 avril au Sommet de la mesure d’impact : pourquoi soutenir cet événement et quel message allez-vous y porter ?

Notre message principal est simple : améliorer notre mesure d’impact revient à améliorer directement l’efficacité de nos actions. Nous collaborons toute l’année au sein de différents collectifs d’entreprises engagées, comme l’Observatoire de l’inclusion numérique créé par le Groupe SOS. Le sommet est l’occasion de mettre en lumière le résultat de ces travaux, de partager les connaissances, de trouver et adopter les meilleures pratiques. Ce qui est particulièrement intéressant avec ce genre d’évènements, c’est qu’il réunit un panel très varié d’acteurs et d’entreprises qui partagent leurs propres visions et solutions, spécifiques à leurs cœurs de métiers.

Propos recueillis par François Arias

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